chez Nicolas Bokov

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Lieu : Paris, France

11.1.06

Echappée vers Reims

nouveauté
Nouvelle, par Nicolas Bokov lire en russe
[114 000 caractères avec espaces + 15 %]

Une soirée un peu mondaine à Paris, avec des douces rivalités. Conversent Patrick, un journaliste arrogant; une étudiante Laure, louve jeune et gaie venue avec lui; le maître de la maison, un professeur, ingénieur des ponts et chaussées, épaulé par sa compagne Geneviève. Tamara est là également, elle continue sa brillante carrière à Paris, lancée à Stockholm où elle était la pédicure du célèbre Bergman. Traductrice grecque, Lucie Pope vient de Bruxelles, où elle travaille avec conviction et ardeur. Elle se trouve à table à côté de Jean Petrow, ressortissant d’un pays totalitaire de l’Europe de l’Est; il gagne difficilement sa vie avec la plume.
Ils parlent des événements dont on parle à la télé. Entre autres, la biennale de Venise où l’on fête le triomphe d’un ouvrage à base de cadavres d’animaux, qui aurait provoqué l’invasion des chats italiens. L’étonnant est que ceux-ci restaient insensibles au gaz lacrymogène. On se souvient par hasard d’un écrivain mort dans la misère, Bove, dont les livres sont devenus populaires.
Jean Petrow aborde le thème de l’amour, et les convives d’un seul coup se sentent comme dévoilés et déshérités. De plus, les définitions de l’amour trouvées dans les dictionnaires d’époques différentes sont presque opposées: une édition récente parle des sentiments, celle d’il y a trente ans insiste sur l’amour pour la patrie… Désolés, les invités réussissent tout de même à passer au dessert.
Jean Petrow propose à Lucie la grecque de la ramener chez elle. Serait-elle d’accord pour faire un détour par chez lui et goûter une liqueur de poire, pure merveille reçue d’un pays balkanique? La nuit commençant les a attendris tous les deux et réveille des doux souvenirs. La traductrice est un peu étonnée que sa nouvelle connaissance habite au huitième étage sans ascenseur. Petrow explique qu’il avait loué sa mansarde sur la prescription d’un médecin qui jugea nécessaire, pour son cœur, cet exercice physique. Quant aux dimensions dérisoires de sa chambre, elles sont là pour créer «l’étroitesse existentielle» indispensable si on veut un élan créatif. Ainsi un obus, pour atteindre son but, est serré d’abord dans son canon. L’invitée resta satisfaite de l’accueil même si au matin elle s’apprête à partir.
Plein d’hésitations, Petrow se précipite à la mairie de Paris, où il espère trouver de la compréhension face à son problème, presque héréditaire, de logement. Il avait failli mourir l’année de la fameuse canicule. Cette fois, il est reçu par M.Galéro, conseiller adjoint, qui l’encourage en rappelant que le kilométrage des pistes cyclables est en augmentation. En plus, Petrow ne doit pas sous-estimer son rôle dans le moral grandissement du public, restant dans sa situation pénible. Non, non, il ne doit pas déserter l’armée sacrée des pauvres ! Qu’il continue à servir de repère aux consciences lentes des citoyens.
Malgré l’encouragement paternel d’un représentant du pouvoir, Petrow plonge dans une dépression. Il soupçonne l’hypocrisie des gens. Il s’enfuit dans le passé lointain plein de promesses et de sentiments forts. Il y a une vingtaine d’années il avait reçu une lettre d’amour et l’avait laissée sans réponse. Avec une simplicité inspirée, il compose le numéro du téléphone berlinois. Brigitte est là, émue, terrifiée même par ce coup de fil si retardé. Leurs voix se rencontrent dans l’espace parmi les échos cosmiques. Pauvre quotidien ! il explose. Petrow le fuit, il s’évade de sa vie établie, sa forteresse et sa prison. Ils devront se rencontrer à… Coblence, non, finalement à Reims.
Ceci n’est pas facile, cependant. L’employé d’une station service sur l’autoroute le prend pour un braqueur qui, la veille, avait détroussé son collègue. Sa main palpe un revolver dans le tiroir de sa caisse. Petrow vit l’angoisse sans issue essayant de convaincre l’homme de sa méprise. Soudain, la sonnette de la porte retentit. Une cliente entre dans la station, une jolie femme brune…

[Publié en russe dans «Les Ponts / Mosty» N°8, Francfort 2005]

Envie de miracle

Chercher des choses rares
Rêver des pays exotiques
Annoncer des projets époustouflants
Lancer des aventures risquées
Inventer des démonstrations compliquées
Espérer l’existence de Dieu
Courir après les déesses
Se moquer des signes de la fatigue

Remarquer des propositions réfléchies
Ecrire des articles réconciliateurs
Privilégier des rapports intéressants
Créer des fondements solides
Proclamer des valeurs sûrs

Dire des propos convenables
Répéter les bon mots des gens bien
Rire aux plaisanteries des gens en vue
Applaudir aux projets de la majorité
Aimer des choses simples
Estimer des critiques constructives

Répéter des plaisanteries du président
Présider aux répétitions des plaisanteries
Passer dans une émission préenregistrée
Passer dans une émission en directe
Repasser en directe et en rester
Répéter des répétitions des répétiteurs

Mériter la rosette de la légion
Pressentir les dégâts de la lésion
S’accrocher à la boîte de télévision
Entendre des bruits d’éclats de verre
Visualiser la porte d’entrée
Désirer ouvrir la fenêtre
Essayer d’ouvrir la bouche
La fermer définitivement