chez Nicolas Bokov

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Lieu : Paris, France

20.2.06

Un souvenir très, très cher

Flashé par un Radar!
Vitesse autorisée 70 km/h, je roulais à 79! Soudainement, flash! panique! amende! trou dans le budget!

11.2.06

La Prose Millénium

nouveauté

98 000 caractères avec espaces.
Texte russe: «Les Ponts» («Мосты») №5, Francfort 2005

Bokov assure au lecteur qu’il a trouvé ce type script dans les déchets de chantier à Paris. Mais la nouvelle est préfacée d’une lettre d’un certain Z. à un certain Dimitri; Z. écrit qu’il avait trouvé le type script, par hasard, dans la poubelle d’un train Evreux-Paris. L’auteur présumé du type script est un certain Horst Altourine, un sibérien ayant déménagé d’abord à Moscou et ensuite en Europe.
Il veut décrire sa vie selon un ordre établi, commençant par son enfance et son adolescence, dont on garde une suave nostalgie, «à la Léo Tolstoï». Mais très vite l’écroulement de l’empire des Soviets prend la place centrale dans ses réflexions. Des générations de Russes ne pouvaient que rêver de ça; finie l’époque où ils ne disaient que «eux» (le parti et la police secrète) et «nous». Le temps du «je» et du «moi» est venu, une ambiance sociale toute différente s’est imposée, avec son… indifférence envers autrui.
Altourine est obligé d’apprendre à nager dans ce déluge, il essaie de saisir la nature et les lois du milieu consommateur. Son âge n’est pas de son côté, le poids des idéaux et de la déontologie, salutaire dans les prisons du passé, le traîne, telle une meule, vers le fond et vers la marge.
Il organise une sorte de défense circulaire, bâtit une forteresse de souvenirs, de visages humains, de bribes de tendresse. Ses amitiés sont mortes ou dispersées dans le monde. Une amie proche partie en Amérique et l’appelant encore à la rejoindre, jusqu’au jour où la lettre d’Altourine revient tamponnée de ‘inconnu à cette adresse’. Laure, amie actuelle, a failli partir, elle aussi, au Canada. Ou encore une journaliste, Ophélie, possédant une collection importante de faux diamants et blessée à vif par la question intéressée d’Altourine si elle avait un Hamlet…
Altourine ne méprise pas l’expérience des autres. Voici un artiste contemporain qui produit des installations et des happening, et avec beaucoup de succès: à quatre pattes, il aboie et crie des injures. Couvert des applaudissements il part avec une Ferrari à sa villa de Saint-Raphaël. «Mais je n’ai pas la souplesse nécessaire, pour marcher à quatre pattes», reconnaît Altourine, non sans amertume. «Je suis vieux», aura-t-il le courage de dire.
Il découvre un mythe-fondateur de son existence, celui d’un coureur de marathon. Mais il n’oublie jamais quelle était la fin du premier marathon dans l’histoire : le déchaînement de la ville d’Athènes et la mort du coureur épuisé qui avait apporté la nouvelle de la victoire. Aujourd’hui, les sportifs ne meurent plus, certes, mais ils n’apportent plus de nouvelles non plus.
Pendant la fameuse canicule Altourine se rend compte, sur la plaine du Bois de Boulogne, que son marathon aboutit. Sous l’influence de la chaleur, probablement, il contemple le tableau indissociable du monde: la lune pâle et le soleil mortifiant, la tour Eiffel, les gratte-ciels de la Défense, qui lui rappellent New York, la ville de fascination et d’angoisse de sa jeunesse. Les pieds des footballeurs sur la plaine font monter le nuage de poussière. Et dans cette évidence irrévocable du quotidien, presque extatique, fait irruption l’intemporel, tout simplement: une voiture contourne le terrain et s’arrête dans la proximité. Sa radio transmet une musique toute suite reconnaissable et captivante, Passion selon Mathieu de Bach. Une mélodie et un sens s’y sont unit pour toujours… le chant de la matière des cordes et le chant des cordes vivantes d’une gorge soumise aux règles de l’art… n’est-ce pas une réponse, une sortie de l’impasse, une consolation divine?
‘Cet instant est décisif’, se dit Altourine. Sa vie commencée il y a si longtemps, il y a déjà presque une vie, commencée par une explosion de l’existence, éparpillée, se rassemble dans un mouvement inversé. Il pressentit l’éclosion d’une sorte de «moi», qui s’est libéré de tous les «il», «eux»; et ce « moi » s’affermit en un noyau plus petit et plus dur encore, en une semence la plus petite de toutes les semences, bienheureuse, embaumant, invisible…
Doit-il partir maintenant, s’envoler dès que le vide éternel l’aspire doucement? Il engage une rencontre, probablement, la dernière, avec une Darcy, étudiante baby-sitter, qui joue sur la plaine avec deux enfants d’une famille de diplomate. Son boomerang se perd dans la branche d’un arbre, et Altourine offre son aide pour le récupérer. Des rapports sont en train de naître, ceux d’un père et d’une fille, ou des amants, ou encore d’un initiateur et d’une initiée?

7.2.06

À l’Est de Paris

190 000 caractères espaces compris.
Texte russe: «Новый Журнал», №237, Нью-Йорк, 2004.
nouveauté

A la fin du deuxième millénaire, il n’est pas désagréable de vivre dans une petite ville à l’Est de Paris, qui fait partie de la ceinture de la capitale. A sa limite commence la Champagne, les champs, une forêt louée par un club de chasseurs. La France profonde. Ici se sont installés quelques étrangers, un australien Kahn enseignant son anglais, ou encore un réfugié politique Ivan, avec son passé géographique exotique. Leur présence met du piquant dans l’existence de l’avocat Yves Duval de Marne ou celle d’André, organiste de la paroisse.
Ivan sert de lien entre les couches sociales différentes, celle des intellectuels et celle de la classe ouvrière car il travaille dans les ateliers de la mairie, faisant partie de l’équipe polyvalente, rebaptisée ‘volante’ par ses membres. Ivan est bien placé pour observer la fragilité de l’existence humaine: ainsi Jojo, chef de l’atelier, vit le drame de son ménage, le départ de sa jolie Kitty, fascinée, hélas ! même pas par un autre homme mais par une Marthe, guichetière à la poste.
Le camion de la mairie circule dans la ville, accomplissant des réparations ou d’autres commissions, distribuant, par exemple, des cadeaux de Noël aux retraités… Dans la cabine se serre l’équipe volante : le titulaire Marc, un noir Charles, Ahmed, musulman et papa poule, ou encore Alain, mélancolique, qui alla jadis jusqu’en Inde; il vit dans sa ville natale comme un captif. Mais il a de la chance, lui, il devient le gardien du cimetière, hélas, trop négligeant en cette place de haute responsabilité; il sera très vite licencié. La mort s’empare de lui, consommateur passionné du pastis. Sur son tombeau, le maire socialiste prononcera un discours émouvant.
Il y a encore une archiviste Mathilde, historienne d’art, victime du chômage dans sa profession, amie d’un architecte montant, Bruno, arriviste un peu cynique. Il abandonne bientôt la jeune femme pour une puissante conseillère du département, lady de fer madame Fay. Paniquée, Mathilde cherche de l’aide dans l’Art d’Aimer d’Ovide. Souffrante, elle remarque, enfin – et voilà le paradoxe du malheur! – le sentiment et la fidélité d’Ivan. L’australien Kahn, informé par Ivan, vient au secours de Jojo; grâce à son stratagème habile, Kahn charme Marthe et la détourne de Kitty. Et les choses retrouvent leurs places naturelles. L’abbé Ficher, contribue-t-il à l’harmonisation de la petite société ? On ne sait pas, quoique ses sermons charismatiques attirent même les incroyants.
Ce monde agréable a ses coins ombragés. Dans le quartier des Peupliers règne un caïd Ytchkok, devenu célèbre après l’incendie du lycée, on l’a montré et interviewé à la télévision. La ville est séparée de la France profonde par des carrières abandonnées, avec ses habitants marginaux, un gitan sédentarisé Alphonse, un Mohammed buveur et un solitaire mystérieux, connu sous le sobriquet de Naturiste. On aperçoit ce dernier de loin; selon des rumeurs, c’est un sage. Le lecteur pénètre dans sa grotte, suivant deux jeunes musulmans en quête de sens de la vie, qui viennent le voir et… discuter: ils demandent sur le champ de prouver que la terre tourne autour du soleil ! Et aussi, pourquoi il y a tant de mal et d’injustice sur terre?
Naturiste expose sa théorie de l’alternance des époques mauvaise et bonne, enracinée dans la Bible, dans l’épisode des frères jumeaux Jacob, «un homme lisse», et Esaü, «un homme poilu». Sa théorie est mise à l’épreuve plus tard lorsqu’un inconnu armé se manifeste dans les carrières.
C’est l’organiste André qui réunit un véritable cercle de causeurs philosophant autour d’une tasse de thé. On connaît déjà leurs noms, Yves, Kahn, Marthe, Ivan. Un soir, ils se proposent de raconter une histoire vécue qui a changé le cours de leur vie. Voilà qu’une mouche avait détourné un suicidaire de son projet; l’autre avait survécu à un incendie de forêt, dans la boue à côté d’une grenouille. Ou encore l’organiste, hypnotisé par la vue d’une malade du sida, saignant mais intouchable. Marthe, quant à elle, raconte une fondamentale parabole de crevettes.
Cette symphonie jouée et vécue dans une ville de banlieue se termine, comme on peut l’attendre, par un grandiose tutti: ce soir là, la France devient le champion du monde de football ! Les rues grouillent de monde, le curé ordonne de sonner le Te Deum en pleine nuit. L’avocat ouvre le champagne, le maire se réveille à son poste, devant la télévision. Ivan et Mathilde, eux aussi, heureux du bonheur des amoureux, contemplent la foule enthousiasmée. Même Ytchkok, à la maison d’arrêt, espère, avec les autres détenus, l’amnistie. Seul Naturiste plonge toujours plus profondément dans le silence total, divin.