chez Nicolas Bokov

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Lieu : Paris, France

10.11.06

Ecrivain russe face au terrorisme de l’état

Assassinat d’Anna Politkovskaïa


Il y a 15 ans, le régime soviétique a reçu un coup terrible de la part de l’histoire mais il a survécu en prenant une autre forme. Elle prend actuellement les traits toujours plus visibles d’un régime autoritaire semblable à une monarchie élective.


L’assassinat récent d’Anna Politkovskaïa confirme l’évolution. Elle est la dernière des 261 journalistes tués en Russie depuis sa libération du joug communiste en 1991. On s’étonnait de voir Politkovskaïa persister et publier, malgré des menaces et la mort de ses collègues journalistes. En partie, ceci s’explique par sa double nationalité, russe et américaine.


Un lien avec l’étranger, même des plus superflus était toujours une protection. La police secrète (Kgb, aujourd’hui Fsb) classait alors cette personne dans un autre registre, l’entourait des considérations de la haute politique. Car l’apparence était chez les communistes soviétiques d’une priorité capitale. Tuer quelqu’un, ce n’était jamais trop grave, la vie humaine en Russie ne coûte jamais très cher. Son prix s’évalue en fonction des conséquences de la perte de l’individu pour le pouvoir. Comme partout d’ailleurs. En Occident, elles peuvent être catastrophiques. En Urss, aujourd’hui, Russie, jamais.


Des éléments macabres de l’affaire apparaissent tout de suite. La journaliste a été tuée le jour de l’anniversaire de Poutine, comme si cette élimination pouvait servir de cadeau à l’ancien kagébiste. La réaction de ce dernier est étrange. Se trouvant à Dresde, à côté de la chancelière Merkel, il est obligé, à sa suite, de qualifier l’assassinat de crime. Et il ajoute : « mais l’influence politique de ses écrits était bien limitée ». Ce « mais » ambiguë, paraît être un message. Répété à volonté par la presse. De quoi et à qui ? Sans doute, aux politiciens occidentaux qui pourraient craindre l’affaiblissement du pouvoir de Poutine après un assassinat de telle envergure et d’un tel cynisme. Et ils sont en train de considérer Poutine comme le véritable propriétaire de la Russie, surtout de son gaz et de son pétrole. Le message est donc clair : n’ayez pas peur, je reste le chef. Depuis, une éloquente paire est constituée : chaque fois, parlant de la mort de Politkovskaïa, on pensera à l’anniversaire du président ; et vice versa.


Curieusement, le colonel Poutine a été suivi dans ce style de messages, par « Le Monde » qui écrivait le 11 octobre dans son éditoriale, « l’assassinat d’Anna Politkovskaïa ne peut être imputé au régime ». Cette phrase n’est pas la conclusion d’une enquête à peine commencée et dont on ne croit pas qu’elle aboutira. Est-elle une directive dans ce qu’il faut penser adressée aux futurs électeurs, libres et consciencieux, lors des élections présidentielles ? Seulement, le journal socialiste avait omis, dans son exercice poutinien, justement, cette injonction, «il ne faut pas ». Imputer, bien sûr.


La presse russe n’a pas encore de version de faits définitive. D’abord, elle parlait des cinq assaillants. On ne s’étonne pas de ce nombre même puisque l’on comprendrait les précautions prises par les tueurs de métiers: être 5, c’est presque la garantie de ne pas être liquidés trop facilement ensuite. Maintenant, la presse russe pro gouvernementale, actuellement dominante, avance un autre scénario et parle d’une mystérieuse vidéo qui aurait enregistrée une femme surveillant Politkovskaïa faisant les courses juste avant de rentrer chez elle et d’être assassinée à la porte de l’ascenseur. Une autre vidéo aurait enregistré un jeune homme qui se transformait dans les nouvelles du 25 octobre en un policier vétéran de la guerre contre les tchétchènes.


Une semaine après, le département d’état américain annonça qu’il n’entreprendra pas l’enquête sur l’assassinat parce qu’il avait eu lieu en Russie, le pays de la deuxième nationalité de la victime. Sans doute, parce que la Russie mène une petite guerre coloniale en Tchétchénie, qui a déjà l’apparence d’une guerre contre l’islamisme, « comme en Irak». Et voilà tout.


Boris Pasternak


Le cas de Politkovskaïa est impensable à l’époque de l’empire soviétique. Seulement les services de l’états disposaient de l’arme à fait, tuer quelqu’un par balle devant son ascenseur serait donner sa signature. A l’époque, le Kgb se cachait, s’il fallait, derrière les voyous armés de casse-têtes. Ainsi le poète Constantin Bogatyrev a trouvé la mort en 1976 tombé, le crâne fracturé à la porte de l’ascenseur.


L‘affaire Pasternak était plus complexe. Si vous n’avez pas lu son roman « Docteur Jivago », vous connaissez au moins le film du même titre, où le nom d’Omar Shérif qui y jouait le rôle principal bien avant qu’il ne commentait les résultats des courses de chevaux à la télévision.


Le roman de Pasternak, célèbre poète russe, avait déclenché une tempête en Union soviétique en 1958. Au pouvoir se trouvait un certain Nikita Kroutchev, un ancien collaborateur de Staline, dont la tache principale aux années 30s était la collectivisation forcée en Ukraine qui avait fait 1,5 million de paysans morts. Cependant, Kroutchev a trouvé une certaine indulgence en Occident parce que, d’une part, les paysans morts n’étaient pas ni british, ni français ; d’autre part, c’était bien Kroutchev qui avait parlé officiellement, officieusement, des crimes de Staline, confirmant en quelque sorte, ce que les gens qui voulaient savoir, savaient déjà (ce qui n’était pas une préoccupation primordiale des écrivains français comme Sartre, son groupe, et bien d’autres ).


Ceci n’empêcha pas Kroutchev de provoquer la crise cubaine en 1962 ayant installé des missiles sur l’île de Fidel Castro et, ce qui était plus sanglant encore, de tirer sur une manifestation d’ouvriers affamés à Novotcherkassk, au sud de la Russie, et de fusiller plus tard les quelques rares officiers soviétiques qui avaient refusé de tirer lors de cette manifestation.


Voilà donc le fond sur lequel s’est ajouté le nom de Pasternak. Sa principale « faute » était de raconter les événements de la guerre civile russe déclenchée par le coup d’état des communistes en 1917 qu’aujourd’hui encore, la Sorbonne nomme : « la révolution », conformément à la propagande stalinienne. Vous avez peut-être vu son fleuron, à savoir, « Le Cuirassier Potemkine » qui n’est pas trop éloigné, quant à l’hypocrisie, des fameux «villages Potemkine».


Pasternak peint un tableau où les massacres et les cruautés sont commis des deux côtés ; où les apparatchiks viennent cruellement éliminer et remplacer les cruels commissaires des premiers jours, anarchisants et disons, idéalistes.


Ainsi commençait le remplacement perpétuel propre au régime stalinien et qui continue encore d’une façon plus douce. Ce slogan politique du dictateur, « chez nous, il n’y pas d’irremplaçables », est devenu proverbial. C’est ainsi que Staline commença une réunion de son Comité Central : « Camarades, vous ne voyez plus, parmi vous, le camarade Yakovlev. Pourquoi ? Parce que camarade Yakovlev avait commis une erreur grave. Laquelle ? Je vais vous le dire. Il s’est imaginé irremplaçable. Voici une faute politique très grave ! Voilà pourquoi le camarade Yakovlev n’est plus avec nous. Camarade Petrovski, vous avez un regard inquiet. Votre conscience n’est pas calme? Pensez-vous, peut-être, d’être irremplaçable ? Non ? Cela me réjouit. Vous avez compris la leçon. Passons à notre agenda ».


Non seulement Pasternak traita la guerre civile d’une façon inacceptable ; les revues soviétiques en refusèrent la publication. Il ne se contenta pas non plus d’avoir de la compassion pour les questions de la foi chrétienne, et chacun savait que Dieu n’existait plus sans parler de l’immortalité de l’âme. Pire encore, il avait envoyé le manuscrit à l’étranger, dans un pays capitaliste, Italie, où le roman a été publié par Montadori, éditeur communiste, certes, mais trop individualiste et ambitieux ! Même Gallimard ne se permit pas d’agir sans l’avis d’une personne compétente placée suffisamment haut ! On était en guerre froide, non ? Les chars soviétiques étaient en Hongrie et en Allemagne de l’Est, n’est-ce pas?


Et puis, les calculs de ce « perfide » Pasternak, on les voit, il avait beau choisir un éditeur communiste ! Qui se moquait de la pression du Comité Central italien! Pire : l’Académie suédoise attribua à Pasternak son Prix Nobel. On raconte qu’à cette nouvelle, Kroutchev avait ouvert la bouche, pour exploser en une longue suite de mots obscènes (sachez que la suite la plus longue qui a pour nom la grande tournure de Pierre le Grand, comprend 257 mots), mais ni les mots ni la respiration ne venaient plus ! Au point que les gardiens coururent chercher un médecin.


Moi j’avais 13 ans à l’époque, et je me souviens de l’ouragan de la colère du peuple (appellation bien, très bien contrôlée). Des réunions dans les usines, dans les universités, des condamnations des plus sauvages, « comme un chien enragé », « ce laquais de l’impérialisme américain qui dénigre sa mère patrie comme un pourceau ingrat ». Le fer de lance de la classe ouvrière, – une appellation officielle, de la police secrète, – proposa d’exiler Pasternak à l’étranger.


En retenant sa famille en otages, bien sûr. Pasternak avait choisi, après deux ans d’harcèlements, de refuser le Prix Nobel. Sa lettre commença : « vu la signification attribuée à ce Prix par mes compatriotes… »


Juste après, épuisé, il mourut en 1960, à l’âge de 70 ans. Le pouvoir pouvait enfin se venger ! On arrêta la compagne du poète, Olga Ivinskaïa, – elle aura 7 ans du camp de concentration. On cherche à arrêter la fille d’Olga, presque adolescente. Le problème était qu’Irina se fiança avec un étudiant français, Georges Nivat, qui faisait ses études à Moscou. Ils devaient se marier les jours suivants… il tomba malade, à tel point qu’il n’était pas transportable à l’office soviétique de mariage. On reporte la date, mais elle fut fixée au-delà de l’expiration du visa. « Ce n’est pas grave, Monsieur Nivat, vous partez à Paris et revenez tout de suite avec la prolongation de votre visa, pour vous unir à votre bien-aimée, pour le meilleur et pour le pire. » Surtout pour le pire, évidemment.


Avez-vous déjà suffisamment saisi l’esprit de l’état soviétique pour deviner que Georges Nivat n’a jamais obtenu ce visa, une fois en dehors de l’Urss ? Quant à sa petite Irina elle fut tout de suite arrêtée pour passer trois ans dans un camp. Le projet du mariage n’a pas survécu à cette épreuve.


A l’époque de la grande terreur, avant la deuxième guerre mondiale et avant la sortie de Staline en qualité de dictateur de l’Europe de l’Est libérée du nazisme, toutes notions de résistance avaient été abolies. Comme toute la population, les écrivains aussi étaient entrés dans une pure et simple attente de l’exécution.


Maurice Blanchot qui avait consacré un merveilleux petit livre à l’attente et à l’oubli n’en parle pas, et pour cause : cette expérience ne commence qu’à partir d’une certaine inhumanité de l’état quand il devient un bourreaux collectif. La France l’évita, heureusement, au XX siècle. D’être ignorant à cet égard, c’est une chance historique.


Mandelstam


Pensons à un grand poète russe Ossipe (Joseph) Mandelstam. Suspect aux yeux de la police secrète dès les années 30s, bientôt persécuté ouvertement pour des vers trop indépendants et même attaquants, – c’est l’un des rares qui avait osé une épigramme sur Staline.


« Nous vivons sans connaître le sol sous nos pieds, nos conversations ne sont pas audibles à dix pas, et si quelqu’un a le courage de dire une phrase il se souviendra du montagnard du Kremlin… Ses gros doigts sont gras comme des vers, ses paroles sont lourdes comme des poids de marchand. Sa moustache de cafard rigole, ses bottes brillent! Autour de lui, une bande des chefs à peau dure, lui fournit un jeu de services minables. Et lui, forge ordre sur ordre, que l’on frappe sur le front, dans l’œil, dans le ventre ! Chaque exécution pour lui est une fête, avec ses gardes à poitrine robuste. »


C’était signer sa condamnation à mort. Il faut la folie d’un poète, pour se décider à une action si risquée. Il me semble que je le comprends. Toute proportion gardée, j’ai vécu une expérience semblable, avec mon pamphlet « La Tête de Lénine ». L’atmosphère peut devenir tellement étouffante, que l’on casse la vitre même au prix d’éveiller la garde. Sauf, que je n’avait pas le courage de signer mon coup de mon nom.


Arrêté en 1934, Mandelstam est exilé à Voronej, une ville de province. Il est célèbre. Il est interdit de toute publication. Sa femme Nadejda est avec lui, son prénom veut dire espérance. On ne pense pas, évidemment, qui ça se révèle plutôt être une ironie. Les trois ans terminés, il n’arrive à Moscou que pour être tout de suite arrêté de nouveau et condamné à la déportation en extrême orient, sur le bord du Pacifique, en face de l’Alaska. Les rares souvenirs des survivants parlent probablement de lui : on l’a vu malade, fiévreux, pris de folie, affamé, cherchant quelque chose de comestible dans une décharge du camp de concentration. On a jeté son cadavre dans une fosse commune, ayant attaché, selon l’usage de l’époque, à son pied une plaque d’aluminium avec le numéro du dossier. Au cas où il faudra constater et prouver la mort du détenu.


La grande veuve


Restait la veuve, Nadejda. Et voilà sa tache, sa vengeance: prolonger la vie du poète, sauver son œuvre. Car les perquisitions sont minutieuses, tout bout de papier écrit est confisqué et disparaît dans la gueule de la police secrète. Les cachettes, d’accord. Mais le risque est énorme, et toujours confirmé, d’être arraché du lieu, arrêté, déporté. Que faire avec des milliers de lignes des « Cahiers de Voronej », recherchés par tous les mouchards de l’Union soviétique? Une solution s’impose : les apprendre par cœur.


Apprendre, c’est une chose. Ne pas oublier, c’est une autre. Chaque jour, une portion doit être répétée, le lendemain, la suivante. Encore et encore et on reprend inlassablement. Ce travail commencé en 1938, perdura jusqu’en 1953, la mort de Staline et l’exécution du chef de la police secrète. Un nouveau chef, il était encore calme (jusqu’à l’affaire Pasternak…) Alors elle put coucher les vers immortels sur le papier, donner des copies aux amis sans crainte de dénonciations, trouver l’occasion de passer le manuscrit en zone libre du monde. Trois précieux volumes sont publiés en russe aux années 60s aux Etats-Unis.


J’ai eu le bonheur d’avoir l’un de ces volumes à Moscou en 1972, apporté par un jeune chercheur en littérature russe, un brillant Alain Préchac, normalien. Moi-même, officiellement universitaire, j’avais une double vie liée au Samizdat. Ce mot signifie auto-édition, parodiant un peu les appellations des éditions d’état. La poésie de Mandelstam ne m’était pas inconnue mais toujours en version clandestine, tapée à la machine à écrire ou tirée sur du papier photographique, lourd et courbant.


Harcèlement


Cette activité, le copiage et la distribution de textes interdits ou tout simplement absents, était dangereuse. Une fois ayant soupçonné quelqu’un, le Kgb commença une enquête, épaulé par une armée invisible des mouchards et par la foule des « concitoyens soviétiques honnêtes », selon la formule consacrée. Fini les purges staliniennes en masse, l’échelle de punitions était désormais adaptée. Elle allait d’un simple conseil d’un fonctionnaire du parti,à la convocation du présumé ou d’un membre de sa famille,à l’avertissement de ses patrons par le Kgb; au licenciement tout court, avec la mention spéciale dans son carnet de travail connue comme mise sur la liste noire ou encore recevoir le passeport de loup; interrogation chez le Kgb; perquisition ; filature ouverte ; coups de fil anonymes nocturnes ; harcèlements des inconnus et passages à tabac par des « voyous » ; après cette partie dite de préparation, sommation solennelle d’arrêter « l’activité antisoviétique »; enfin, l’arrestation ; procès à huit clos ; déportation en exile intérieur ; condamnation de trois à 7 ans de camp plus 5 ans d’exile en Sibérie, avec l’interdiction, à la fin du terme, de résider dans les grandes villes.


Une bifurcation capitale pouvait se produire après l’arrestation : l’orientation de l’inculpé vers un redoutable hôpital psychiatrique spécialisé d’où on ne sortait pas vivant. Il fallait devenir mondialement célèbre pour obtenir la libération.


Si je dis avoir une double vie c’est parce que la réalité soviétique était double, elle aussi. Tôt ou tard, les existences parallèles devaient se croiser. Et voilà, en 1971 ma faculté de philosophie avait reçu une lettre de la part de « l’organisme compétent » dévoilant mon « vrai visage idéologique » (son contenu ne m’était jamais révélé). Licencié, j’ai essayé de me cacher au Nord de la Russie, sur la mer Blanche. En vain. Finalement, en février 1973 le Kgb avait entrepris une attaque massive en m’interpellant et en perquisitionnant cinq habitations en une seule matinée, supposées être mes lieux de travail et de cachettes.


Après des mois de filature, je m’y attendais, et le butin des barbares se révéla mince. Ils ont saisie quand même le tome de Mandelstam qui m’avait été apporté de Paris par le couple Préchac, un trésor, en guise des honoraires de mes textes publiés dans la presse en Occident. Je n’ai jamais réussi à le récupérer malgré mes plaintes auprès du chef de la police secrète : depuis la reforme de Kroutchev, il y avait un « bureau des plaintes personnelles à l’attention du président du comité de la sécurité d’état » (Andropov pour l’instant, l’ancien « pacificateur » d’Hongrie en 1956 et futur chef, à un terme très court, de l’Urss), pour vous donner son titre complet. Le refus définitif s’est fondé sur le fait que « le livre était publié dans un pays capitaliste »…


La veuve Mandelstam


Nadejda Mandelstam est la plus heureuse des veuves, rapporte Joseph Brodsky les paroles d’Anna Akhmatova. Elle a survécu les grands purges staliniens jusqu’au jour de la gloire posthume de son mari. Toutes les attentions et les sympathies, voir les adorations des fans du poète l’ont couverte au début des années 70s.


Une chose inattendue s’est produite. La poésie d’un grand poète russe qu’elle portait dans sa mémoire, pendant 20 ans, fit son travail, nourrissant et labourant son âme et son être. La veuve s’était mise à écrire, et avait très vite enfantée deux volumes de ses souvenirs, écrits en excellente prose, pleine de saveur et de fraîcheur ! Le tableau de l’époque qu’elle avait peint, était nullement flatteur.


Certes, le siècle communiste était inhumain. Personne n’accusera tel écrivain d’avoir signé une dénonciation après quatre jours et quatre nuits de torture par l’insomnie, ou tel ingénieur en prison, ayant laissé toute sa famille, otage de la police secrète, travailler sur les armes de destruction massive voulues par Staline. Personnellement, je trouve injustes les accusations prononcées, disons, par Stravinsky dans son Hollywood où il fabriquait de la ciné musique commerciale, pour consommer mieux, à l’égard de Serge Prokofiev qui, à Moscou, fabriquait de la musique pour les films staliniens, afin de rester vivant.


C’était un siècle de misérables : le pouvoir voulait dominer le monde n’ayant rien à lui donner, les lâches cherchaient, comme ils le font encore aujourd’hui, à ménager Staline et Hitler, les peuples étaient trompés et écrasés par une cruauté inouï. C’était une catastrophe et un malheur total, le siècle où les chardons remplaçaient les roses.


D’un coup l’intelligentsia moscovite s’est détournée de la grande veuve ne pouvant pas supporter sa séance du dépouillement sans retouche. Je me souviens des exercices d’ironie à son égard, assez fades d’ailleurs. Plus rien de leur présumé héroïsme ne resta aux intellectuels. Des années durant, nous nous consolâmes par des koans de ce type : comment sortir de la cage ? Des hommes et des singes se trouvent dans une même cage dont les clefs sont entre les mains des singes. Si un homme s’empare de la clef il devient singe lui aussi. Comment sortir de la cage ?


La grande veuve avait proposé un remède puissant, un dégrisant efficace contre cette ineptie intellectuelle et émotionnelle. Evidemment, à notre festival de l’amour propre, sa voix apportait une note discordante.


Brodsky parle d’elle d’une façon émouvante, dans sa nécrologie en 1980. « Pour la dernière fois je l’ai vu le 30 mai 1972, dans une cuisine d’un appartement moscovite. C’était le soir ; assise dans l’ombre profonde projetée par un placard elle fumait une cigarette. L’ombre était si dense que l’on distinguait seulement le bout rouge de la cigarette et les deux yeux brillants. Le reste – son minuscule corps couvert d’un châle, les mains, l’ovale de son visage couleur de cendre et les cheveux cendrés, était avalé par l’obscurité. Elle ressemblait au dernier effort d’une grande flamme éteinte, à une petite braise qui, si on la touche, causera sûrement une brûlure. » (V, 124).


Procès de Brodsky


Brodsky lui-même, avant de devenir prix Nobel en 1987 et de mourir à New York en 1996, avait été condamné à 5 ans d’exile intérieur en 1964. Le procès a eu lieu à Saint-Pétersbourg, la salle était remplie des jeunes komsomols Kgb. La préparation n’était pas sans faille : Vigdorova, une journaliste sympathisante du poète, avait réussi à pénétrer dans la salle et à sténographier les trois quarts du procès jusqu’au moment où la police avait signalé l’irrégularité au président du tribunal.


– Vous, là-bas, arrêtez d’écrire ! – cria-t-il.


– Camarade président, je suis journaliste, j’écris des articles sur l’éducation de la jeunesse, j’ai besoin de ce sténogramme !


– Arrêtez, ou je vous fais sortir d’ici ! – le président avait le visage rouge sang.


Le reste du procès avait été établi grâce aux témoignages des témoins de la défense appelés à la barre mais jamais écoutés.


Brodsky avait été condamné à 5 ans d’exile au Nord de la Russie, pour ‘parasitisme social’.


Le lendemain, le sténogramme dactylographié avait pris son chemin invisible et impalpable, à travers la société soviétique, par les canaux mystérieux du Samizdat. Pour m’atteindre, à Moscou, sans connexion directe avec la journaliste, il lui avait fallut deux mois. Un ami tout ému avait frappé à ma porte, dans un village aux environs de la capitale, à 6 heures du matin. 20 pages sans intervalles, couvertes d’un texte explosif, qu’il devait rendre le soir même à une connaissance.


Que faire ? On s’affole, on tape à la machine à écrire. A minuit on a dix exemplaires (sur du papier de cigarette). L’original repart pour Moscou dans la poche de l’ami, qui court, littéralement, trois kilomètres jusqu’à la gare, pour rattraper le dernier train de banlieue. Nous étions jeunes et enthousiastes. Certes, devant nous se trouvait un mur mais quelque chose était déjà clair: leurs crimes ne passeront plus jamais sous silence. Les 20 ans qui s’en suivirent, furent remplis, essentiellement, de ce combat pour éclairer le publique.


Mon ami avait emporté l’original du sténogramme, pour le rendre, étant payé par deux exemplaires de mes dix copies : l’une pour lui, et l‘autre, pour quelqu’un de liaison, qui lui avait fournit le texte.


Quand à Brodsky, il resta en exile trois ans. Libéré ensuite, le Kgb le fit émigrer en 1972.


Kgb en France : liquidation du livre d’Alain Préchac. La Littérature soviétique. Que sais-je ? 1977, N° 1688.


Le Kgb, moteur de la répression politique à l’intérieur, voulait contrôler les antennes de la société russe à l’étranger. Voici un épisode de ses réussites en France.


Arrivé en France en 1975, avec une partie de mes archives, je collaborais avec Alain Préchac. Normalien, professeur de littérature russe et soviétique, et brillant traducteur, parmi les premiers, de Soljenitsyne. Les Presses Universitaires de France lui ont passé commande pour la fameuse série " Que sais-je ? ". Pour la première fois, un auteur très compétent et aidé de plusieurs personnes de terrain, y compris moi-même, pouvait traiter le sujet difficile et ambigu qu’était la littérature soviétique.


La nouveauté de ce livre était le ton indépendant employé pour raconter l’aventure de la littérature sous le joug communiste sans la sucrerie d’un Aragon et d’autres caïds du thème (dont le lien avec Nkvd Kgb est confirmé par des documents à la BNF, bien gardés et jamais publiés). Pour la première fois en France, les noms et les titres de multiples ouvrages furent cités, et ce bien avant que dans les autres pays. Des noms, qui sont aujourd’hui célèbres, y compris ceux d'invités du Salon du Livre de Paris de 2005...


Le livre sortit en 1977, en plein kagébisme. Poutine avait 25 ans et travaillait déjà pour la surveillance politique dans les troupes soviétiques d’occupation en Allemagne de l’Est.


En 1982, mon destin m'amena loin de la littérature, en Terre Sainte et dans les monastères de la Grande Chartreuse et du Mont Athos en Grèce. Je ne revis Alain Préchac qu'en 1997 et appris une étonnante histoire ; le Kgb avait réussi à liquider notre petit, mais précieux livre, avec l’appui des autorités françaises. Selon son information, le ministère de l’éducation avait reçu une pétition de protestation signée par les professeurs soviétiques de langue et littérature russes, en poste en France. Et un événement incroyable s’était produit : le livre fut retiré de la vente, rayé des catalogues des bibliothèques et même du catalogue de la série Que sais-je ? elle-même ! Il n’existe plus ! Sauf en édition japonaise…


Le contenu de la pétition reste inconnu du public encore aujourd’hui. Mes lettres aux intéressés n’ont pas eu de réponse, y compris celle adressée à la BNF ou encore au service juridique de la Société de Gens des Lettres dont je suis membre. Cependant, pour certains contributeurs du livre, les conséquences furent plus graves. L’un d’eux, qui figure dans le livre sous les initiales A.B., n’était autre que le littérateur moscovite Alexandre Bogoslovsky. Dès que le kagébé comprit que l’obéissance des Français dans cette affaire était acquise, il arrêta Bogoslovsky et l’envoya au Goulag pour trois ans.


Simon Bernstein


Le film de Tarkovski, Solaris, déjà très vieilli, survivra sûrement grâce une séquence avec ce nain que vous venez de voir. Son nom est Simon Bernstein, il est mort à Moscou en 1973. Le diagnostique officiel était endocardite. Il se mourrait dans un hôpital. Je suis allé le voir à plusieurs reprises. Il devenait toujours plus inquiet, exprimant sans équivoque des doutes quant au traitement de sa maladie. Avec l’aide de quelques amis, je fis venir l’un des «nôtres», un médecin de profession, en qui nous avions confiance. Il parla avec ses collègues, lu le dossier médical de Bernstein. Tout paraissait correct. Bientôt le malade mourut. Que voulez-vous ? On meurt parfois d’une endocardite. Rarement, mais ça arrive.


Pourquoi les soupçons de Simon ? Critique littéraire, responsable d’un club de jeunes auteurs, membre du parti communiste. Arrivé, en 1965, le procès de Siniavski et Daniel, condamnés à 7 et 5 ans de camp, pour avoir publié, – sous des pseudonymes, à l’étranger ! – leurs nouvelles et récits. Bernstein avait signé, comme bien d’autres, la pétition contre cette condamnation, qui visait surtout à intimider d’autres écrivains.


Non seulement il avait signé, mais il avait aussi refusé, plus tard, de rétracter. On l’avait fait venir au comité du PC de son district. Une dizaine des personnes s’étaient installées autour d’une longue table couverte de tissu rouge. La petite taille de Bernstein – souffrant d’une maladie héréditaire, la dystrophie osseuse, sa taille, à peine les cent dix centimètres, rendit la scène grotesque : les graves et solennels camarades condamnèrent sans appel un nain, juif de surcroît, dont seule la tête dépassait au dessus de la table. Triomphalement, on l’avait exclu du parti.


Bien sûr, s’ensuivirent le licenciement et l’interdiction de travailler comme animateur ou éducateur. Dans la rue, on le suivait de temps en temps. Un soir d’hiver, des voyous mystérieux l’ont attaqué et lui ont dérobé son manteau… Il gagna sa vie comme figurant au profil particulier. Ainsi il participa au film de Tarkovski, pour l’immortaliser.


Sa magnanimité et son humour, sa légèreté d’être, sa promptitude pour un geste drôle, brusque, inattendue restent dans ma mémoire. Un jour, nous étions allé à l’exposition américaine d’œuvres graphiques. La file d’attente ôtait tout espoir d’y entrer le jour même. Alors, Simon dit : – Il faut essayer autrement. – Et nous sommes allé à la sortie de la salle. S’approchant des policiers, Simon dit d’une belle basse : – Je suis en mission. Et me pointant d’un doigt : – Celui-ci m’accompagne. – Les gardiens en uniforme restèrent bouche bée, et nous passions presque en courrant craignant d’exploser de rire.


Ses obsèques se passèrent dans une ambiance kafkaïenne. Comme n’importe quel produit en Urss, acheter un cercueil n’était pas une chose facile, et encore moins d’une taille correspondante. Il n’y avait que des bières d’enfant blanches, décorées, selon usage, de dentelles. Nous, quelques amis, l’avons accompagné au crématorium. Et nous voici dans une petite salle, avec une femme robuste portant l’écharpe rouge près d’une table. Elle avança et prit immédiatement la parole.


– Camarades, dit-elle, citoyen de l’Union soviétique… (Elle consulta le dossier) Simon Bernstein nous a quitté. Je déclare la cérémonie d’adieu ouverte.


On parla longuement. Il y avait des amis modérés du défunt qui parlaient de ses tentatives d’améliorer « notre vie commune ». Les radicaux, révoltés par cette mièvrerie lancèrent la polémique évoquant le courage de Simon, et sa bravoure dans des circonstances où « certains ne pensent qu’à se sauver ».


La dame de cérémonie montrait des signes d’impatience, la file d’attente s’accumulait à l’extérieur. Enfin, les souvenirs se tarirent. La petite bière d’enfant commença à descendre la-bas. Les amis de Simon, tous poètes et artistes, se massaient autour avec une naïveté enfantine, pour y jeter un coup d’œil, comme s’il était possible de voir quoi que soit.


Dès que la terrible portière se referma derrière la bière un homme en civil qui resta tout le temps silencieux dans le coin se leva. Calme et indifférent, il fit son chemin à travers l’assemblée vers la sortie. La police secrète avait terminé de l’accompagner.


Hypothèse écolo


La mollesse du pouvoir politique actuelle ressemble à celle des années précédentes, à commencer à 1938. Inexpliquée pour l’instant, elle correspond probablement… aux années de réchauffement de la planète où le pouvoir attend la fin d’un cycle, pour passer, soulagé, au suivant.


Quand au retour au totalitarisme en Russie, nous ne voyons que les deux freins politiques montrables, à savoir : (1) procès international de quelques anciens bourreaux du régime stalinien-brejnévien-eltsinien-poutinien, disons trois des plus notoires, en souvenir de la fameuse « troïka » de juges, l’instrument favori du grand terreur; d’où s’ensuivra (2) la nécessité pour la Russie, de la loi sur la « lustration » déjà en vigueur en des pays ex-communistes de l’Est, cet à dire l’interdiction aux anciens fonctionnaires de la police secrète (p.e., Poutine) d’occuper les postes dans l’administration de la Russie.

Simon Bernstein, héros du film « Solaris » d’André Tarkovski

Le film de Tarkovski, Solaris, survivra sûrement grâce une séquence avec ce nain que vous venez de voir. Son nom est Simon Bernstein, il est mort à Moscou en 1973. La diagnostique officielle était endocardite. Il mourrait dans un hôpital. Je suis allé le voir à plusieurs reprises. Il devenait toujours plus inquiet, exprimant sans équivoque des doutes quant au traitement de sa maladie. Avec l’aide de quelques amis, je fis venir l’un des «nôtres», un médecin de profession, en qui nous avions confiance. Il avait parlé avec ses collègues, lu le dossier médical de Bernstein. Tout paraissait correct. Bientôt le malade était mort. Que voulez-vous ? On meurt parfois d’une endocardite. Rarement, mais ça arrive.

Pourquoi les soupçons de Simon ? Critique littéraire, responsable d’un club de jeunes auteurs, membre du parti communiste. Arrivé, en 1965, le procès de Siniavski et Daniel, condamnés à 7 et 5 ans de camp, pour avoir publié, – sous des pseudonymes, à l’étranger ! – leurs nouvelles et récits. Bernstein avait signé, comme bien d’autres, la pétition contre cette condamnation, qui visait surtout à intimider d’autres écrivains.

Non seulement il avait signé, mais il avait aussi refusé, plus tard, de rétracter. On l’avait fait venir au comité du PC de son district. Une dizaine des personnes s’étaient installées autour d’une longue table couverte de tissu rouge. La petite taille de Bernstein – souffrant d’une maladie héréditaire, la dystrophie osseuse, sa taille, à peine les cent dix centimètres, rendit la scène grotesque : les graves et solennels camarades condamnèrent sans appel un nain, juif de surcroît, dont seule la tête dépassait au dessus de la table. Triomphalement, on l’avait exclu du parti.

Bien sûr, s’ensuivirent le licenciement et l’interdiction de travailler comme animateur ou éducateur. Dans la rue, on le suivait de temps en temps. Un soir d’hiver, des voyous mystérieux l’ont attaqué et lui ont dérobé son manteau… Il gagna sa vie comme figurant au profil particulier. Ainsi il participa au film de Tarkovski, pour l’immortaliser.

Sa magnanimité et son humour, sa légèreté d’être, sa promptitude pour un geste drôle, brusque, inattendue restent dans ma mémoire. Un jour, nous étions allé à l’exposition américaine d’œuvres graphiques. La file d’attente ôtait tout espoir d’y entrer le jour même. Alors, Simon dit : – Il faut essayer autrement. – Et nous sommes allé à la sortie de la salle. S’approchant des policiers, Simon dit d’une belle basse : – Je suis en mission. Et me pointant d’un doigt : – Celui-ci m’accompagne. – Les gardiens en uniforme restèrent bouche bée, et nous passions presque en courrant craignant d’exploser de rire.

Ses obsèques se passèrent dans une ambiance kafkaïenne. Comme n’importe quel produit en Urss, acheter un cercueil n’était pas une chose facile, et encore moins d’une taille correspondante. Il n’y avait que des bières d’enfant blanche, décorée, selon usage, de dentelles. Nous, quelques amis, l’avons accompagné au crématorium. Et nous voici dans une petite salle, avec une femme robuste portant l’écharpe rouge près d’une table. Elle avança et prit immédiatement la parole.

Camarades, dit-elle, citoyen de l’Union soviétique… (elle consulta le dossier) Simon Bernstein nous a quitté. Je déclare la cérémonie d’adieu ouverte.

On parla longuement. Il y avait des amis modérés du défunt qui parlaient de ses tentatives d’améliorer « notre vie commune ». Les radicaux, révoltés par cette mièvrerie lancèrent la polémique évoquant le courage de Simon, et sa bravoure dans des circonstances où « certains ne pensent qu’à se sauver ».

La dame de cérémonie montrait des signes d’impatience, la file d’attente s’accumula à l’extérieure. Enfin, les souvenirs se tarirent. La petite bièvre d’enfant commença à descendre la-bas. Les amis de Simon, tous poètes et artistes, se massaient autour avec une naïveté enfantine, pour y jeter un coup d’œil, comme s’il était possible de voir quoi que soit.

Dès que la terrible portière se referma derrière la bière un homme en civil qui resta tout le temps silencieux dans le coin se leva. Calme et indifférent, il fit son chemin à travers l’assemblée vers la sortie. La police secrète avait terminé de l’accompagner.

8.11.06

Kgb en France : liquidation du livre d’Alain Préchac "La Littérature soviétique" Que sais-je ? 1977, N° 1688.


Le Kgb, moteur de la répression politique à l’intérieur, voulait contrôler les antennes de la société russe à l’étranger. Voici un épisode de ses réussites en France.

Arrivé en France en 1975, avec une partie de mes archives, je collaborais avec Alain Préchac. Normalien, professeur de littérature russe et soviétique, et brillant traducteur, parmi les premiers, de Soljenitsyne. Les Presses Universitaires de France lui ont passé commande pour la fameuse série " Que sais-je ? ". Pour la première fois, un auteur très compétent et aidé de plusieurs personnes de terrain, y compris moi-même, pouvait traiter le sujet difficile et ambigu qu’était la littérature soviétique.

La nouveauté de ce livre était le ton indépendant employé pour raconter l’aventure de la littérature sous le joug communiste sans la sucrerie d’un Aragon et d’autres caïds du thème (dont le lien avec Nkvd Kgb est confirmé par des documents à la BNF, bien gardés et jamais publiés). Pour la première fois en France, les noms et les titres de multiples ouvrages furent cités, et ce bien avant que dans les autres pays. Des noms, qui sont aujourd’hui célèbres, y compris ceux d'invités du Salon du Livre de Paris de 2005...

Le livre sortit en 1977, en plein kagébisme. Poutine avait 25 ans et travaillait déjà pour la surveillance politique dans les troupes soviétiques d’occupation en Allemagne de l’Est.

En 1982, mon destin m'amena loin de la littérature, en Terre Sainte et dans les monastères de la Grande Chartreuse et du Mont Athos en Grèce.

Je ne revis Alain Préchac qu'en 1997 et appris une étonnante histoire ; le Kgb avait réussi à liquider notre petit, mais précieux livre, avec l’appui des autorités françaises.
Selon son information, le ministère de l’éducation avait reçu une pétition de protestation signée par les professeurs soviétiques de langue et littérature russes, en poste en France. Et un événement incroyable s’était produit : le livre fut retiré de la vente, rayé des catalogues des bibliothèques et même du catalogue de la série Que sais-je ? elle-même ! Il n’existe plus ! Sauf en édition japonaise…

Le contenu de la pétition reste inconnu du public encore aujourd’hui. Mes lettres aux intéressés n’ont pas eu de réponse, y compris celle adressée à la BNF ou encore au service juridique de la Société de Gens des Lettres dont je suis membre. Cependant, pour certains contributeurs du livre, les conséquences furent plus graves. L’un d’eux, qui figure dans le livre sous les initiales A.B., n’était autre que le littérateur moscovite Alexandre Bogoslovsky. Dès que le kagébé comprit que l’obéissance des Français dans cette affaire était acquise, il arrêta Bogoslovsky et l’envoya au Goulag pour trois ans.

Libellés :

4.11.06

Mémoire de Politkovskaïa: rue Daru, le 15 novembre